CE QUI LIE CEUX QUI SE NOIENT AVEC CEUX QUI ONT CHAUD

 

Illustration crise migratoire

 

Qu’est-ce qui lie la vie d’un homme, débarqué en Europe depuis son navire pneumatique, avec celles de ses contemporains européens ? Le lien de solidarité qui pouvait les unir - même de manière exceptionnelle - menace de disparaître. Les pures actions de sauvetages sont criminalisées. Nos responsables politiques entravent progressivement les possibilités d’accueil. Les positions controversées d’hier sont de plus en plus tolérées par une part conséquente de l’opinion publique.

D’un point de vue strictement économique, il y a toutefois autre chose qui nous[1] lie. Nous sommes les acteurs et produits d’un même ensemble. Une analyse de cet ensemble faisant système mérite d’être faite.

Voyez autour de vous : les objets que nous consommons viennent du monde. L’ordinateur que j’utilise, votre écran pour me lire, le pétrole de notre essence et de nos médicaments, nos vêtements, notre nourriture, notre gaz. Notre chez nous est produit ailleurs. Avec des composants venant d’ailleurs, une main d’œuvre qui vient d’ailleurs. Jusque-là pas de problème.

Cela devient un problème si l’ailleurs est exploité, si le travail de la main d’œuvre l’enrichie moins elle-même que des capitaux étrangers et si la quantité de ressources naturelles extraites condamne le vivant, sinon l’empêche de se développer. Le problème potentiel est donc double : un problème de justice sociale pour les travailleurs.ses mais aussi un problème environnemental pour toute une partie du vivant, espèce humaine comprise.

Essayons désormais de voir le réel tel qu’il est. Dans leur sous-développement capitaliste, les pays dits « du Sud » dépendent d’investissements étrangers. De fait, ils sont en concurrence avec leurs voisins pour les attirer.  Quel Etat leur sera préférable ? Celui où, entre autres paramètres plus secondaires, les coûts sont moindres et la probabilité de réussite est élevée.

Pour une entreprise minière par exemple, celle dont l’activité a permis la construction de nos téléphones, ordinateurs, voitures électriques etc., l’idéal sera de creuser une mine là où la main d’œuvre est la moins chère et où les mesures environnementales sont les moins restrictives. Les Etats concourent en ce sens, faisant courber l’échine à ses travailleurs.ses, aux communautés vivant sur ces lieux et faisant fi de leurs obligations environnementales. Quitte à laisser se développer sur son territoire des épisodes d’extrême violence.

Cet exercice coercitif de l’entreprise économique internationale s’observe dans le secteur minier mais ne lui est pas exclusif. La construction de barrages en Afrique, en Asie ou en Amérique latine, peut faire l’impasse des droits sociaux et environnementaux même régis par des normes internationales. Des politiques agro-industrielles peuvent aussi soumettre, et l’ont déjà fait, les populations locales au détriment de leurs besoins et de la diversité du vivant.

Voilà au prix de quoi nous avons des smartphones. Voilà aussi comment nous accédons à des denrées alimentaires à un prix bien inférieur au prix du marché local. Autrement dit, notre mode de consommation fait pression sur les Etats « du Sud » pour qu’ils abaissent leurs normes sociales et environnementales, rendant leurs pays d’autant plus difficilement vivables pour des personnes finalement échouées à nos portes. Voici le lien économique nous unissant.


 

[1] Pour être plus précis : « nous », Européens de classe moyenne ou aisée avec l’ensemble des migrants prêt à risquer leurs vies pour traverser la méditerranée.

 

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