Repris d’un texte d’André Gorz, ce titre pose clairement les enjeux : c’est bien une autre civilisation qu’il faut oser envisager qui, abolissant les besoins et emplois inutiles, libérera du temps pour vivre pleinement.
On reconnaît en Jack Lang, un grand ministre de la Culture pour la vision qui a conduit son action : « Ne plus emprisonner la culture dans des maisons dites de culture, mais la faire jaillir dans des lieux ouverts et innombrables ». Il dit aussi des activités périscolaires, mises en place par ses successeurs : « Rien à voir avec la présence, obligatoire et financée par l’Etat, (…) de la maternelle à l’université, des pratiques et de l’enseignement artistiques ». Cette ambition a bien fait l’objet en 2000 d’un plan sur 5 ans qui n’a pas été repris par son successeur.
Sans qu’il soit fait référence au temps libre, on le devine. De même que l’importance accordée à l’accès facilité pour tous à l’Art et la Culture dès le plus jeune âge. Le slogan qui était initialement choisi pour la manifestation toujours populaire du 21 juin, Faites de la musique, témoigne aussi qu’il privilégie l’incitation à la pratique plus qu’à la consommation. Enfin, son opposition à la berlusconisation, quand même réalisée par le président Mitterrand, d’une chaîne de TV prouve ses exigences en matière de qualité de l’offre culturelle publique.
Hélas, les multiples mesures qu’il a mises en place pour promouvoir les activités relevant de son ministère et/ou les protéger des mauvaises influences marchandes n’ont pas empêché l’instauration d’une civilisation des loisirs plus au service du Marché que de l’intelligence, plus consumériste que émancipatrice. On ne peut que constater que la greffe n’a pas pris, notamment là où elle était d’abord destinée.
Nous sommes à l’heure d’organiser la sortie incontournable de la société de consommation vers celle des besoins essentiels. Et donc d’une réduction de nos dépenses en même temps que du temps travaillé. « Une perspective nouvelle s’ouvre ainsi à nous : la construction d’une civilisation du temps libéré » prévoit André Gorz en 1993. Il envisage qu’elle développe « des activités réciproques de voisinage, les réseaux de solidarité auto-organisés, les coopératives d’autoproduction (…), les cercles de culture (…) ». Ces derniers font écho aux propos cités plus haut : « faire jaillir, dans des lieux ouverts et innombrables ».
Notre ministre réservait une place particulière au théâtre amateur qu’il a découvert et aimé très tôt et a beaucoup compté dans ses destinées. Sa ville en a bénéficié avec la création en 1963 du Festival de théâtre universitaire de Nancy qui a acquis une renommée internationale. Dans le même temps (1966) naissait à Avignon un festival alternatif de théâtre et de spectacle vivant, dit le OFF, sous l’impulsion de quelques responsables de théâtres locaux, en parallèle (et peut-être aussi en réaction) à celui, très différent, créé par Jean Vilar en 1947.
Avec quelque 1500 représentations très diverses jouées par 1270 compagnies dans quelque 141 lieux différents pendant 3 semaines, le Off est un évènement majeur mondialement connu.
Quatre jours de la semaine dernière en Avignon et quinze spectacles de théâtre plus tard m’ont remis à l’esprit en quoi cette activité est exceptionnellement riche d’opportunités libératrices et de convivialité et de joies fortes quand on a osé faire le premier pas. On rêve de voir jaillir d’innombrables ateliers partout pour accompagner la transition !
Aurélien Barrau, astrophysicien et philosophe, monte un peu le projecteur. Laissons-lui la conclusion : « L’enjeu n’est pas de se restreindre, il consiste à s’interroger sur ce qui est désirable et à s'enivrer, sans réserve, de nouveaux enchantements. »
Du droit à la culture : podcast Jack Lang, l’expression iconique de la culture