Tant de raisons d’en sortir !

Chacun peut constater l’accélération de faits problématiques liés à l’évolution de nos modes de vie durant ces dernières décennies. Comme si tous convergeaient vers une échéance, un rendez-vous avec l’Histoire. Ils résultent d’un modèle social qui privilégie l’avidité du capitalisme.

Au-delà des menaces les plus graves, liées au dérèglement climatique, d’autres problèmes apparaissent qui, accumulés, peuvent expliquer un mal-être qui s’étend, que les commentateurs en vue interprètent comme un côté ronchon des Français. Mondialisation, marchandisation de tout, bullshit job, marginalisation d’une fraction de plus en plus importante de notre société, souffrance au travail, maladies dites de civilisation… sont pourtant des réalités vécues et lourdes de conséquences pour les victimes.

Portrait noir et blanc, d'une femme solitaire
Portrait noir et blanc, d'une femme solitaire © pxhere

Un exemple. On parle aujourd’hui d’épidémie de solitude pour évoquer le mal qu’éprouvent quelque 11 millions de Français, en forte hausse depuis 2020. Les origines sont diverses bien sûr, mais selon Yann Algan, professeur d’économie, « on est passé d'une société industrielle à une société post-industrielle, d’une société de classes à une société d’individus. Les emplois de service n’ont rien à voir avec les métiers ouvriers où […] il y avait un cadre social important. La désindustrialisation des villes moyennes a conduit à une disparition des lieux de socialisation comme les cafés, par exemple ». Il cite l’exemple d’ouvriers de 35 à 55 ans du Midwest aux USA, dont le taux de mortalité a triplé suite aux fermetures d’usines. En cause, suicides et alcool. Il explique encore la montée des votes populistes : « le fait d’être seul conduit à un rapport blessé aux autres », d’où une défiance à tout et même aux proches. Les Gilets jaunes ont découvert leur isolement en constatant sur les rond-points qu’ils étaient nombreux à s’ignorer. La précarité est en effet un puissant facteur d’isolement.

Alors qu’il aurait pu être libérateur et généreux s’il était resté un bien commun, le dévoiement très lucratif de l’internet initial dans « Les réseaux sociaux ont accéléré ce sentiment de solitude dans les actes les plus sociaux, comme l’amitié ou l’amour » explique encore Yann Algan. « Il faut répondre avec des politiques de sécurité économique et des politiques de proximité pour réparer ce volet de défiance. Il faut établir un nouveau syndicalisme à l’heure d’une société de services. Enfin, il faut changer les politiques éducatives et mettre l’accent sur l’apprentissage de la coopération, par exemple » conclut Algan. réaliste ?

Certes, il faut répondre à l’urgence. Et heureusement, beaucoup d’associations œuvrent pour limiter les souffrances à court terme. Mais une vision d’ensemble de tous ces constats, dont le plus grave, l’écologique, ne devrait-elle pas amener les penseurs dont les travaux participent à l’information du plus grand nombre, à envisager à moyen terme la solution radicale : sortir du système ? Attendent-ils d’y être acculé ? Ce qui serait la plus mauvaise issue.