Alerte rouge au pays blanc

L'Arctique se trouve à la croisée des chemins, garanti de passer d'une étendue gelée à un océan bleu. Les implications de cette transformation sont alarmantes. Les répercussions de ce changement ne seront pas uniquement locales, mais affecteront le monde entier.

Iceberg percé, près du cap york, Groenland par CillanXC via Wikimedia
Iceberg percé, près du cap york, Groenland © CillanXC / Wikimedia

L'Arctique, ce vaste désert blanc, se transforme progressivement en un océan bleu. Une récente étude (Nature 06/06) prévoit une Arctique sans glace chaque été d'ici 2030 à 2050, indépendamment du scénario d'émissions. « C'est environ une décennie plus tôt que les récentes projections du GIEC », souligne l'un des auteurs de l'article. « Cet article constitue la plus grande alerte que nous ayons jamais reçue », s'alarme la glaciologue Heïdi Sevestre sur franceinfo (8/06).

L'Arctique joue un rôle crucial dans le maintien de la température de la Terre. La glace blanche et brillante reflète la lumière et la chaleur du soleil, gardant l'hémisphère nord frais. La disparition de la glace impose à l'océan plus sombre d'absorber davantage de chaleur, aggravant le réchauffement de l'Arctique.

Des conséquences mondiales

La faune et la flore sont évidemment en danger. La montée des eaux ne sera pas immédiate. L'arctique étant un énorme bloc de glace flottant, l'eau ne fera que remplacer la glace, tant que le Groenland reste intact. Mais, le phénomène aura des effets sur la température à l'échelle mondiale. En été, il y aura des vagues de chaleur plus intenses (aggravant canicules et feux de forêts). En hiver, le jet stream polaire, déstabilisé par l'air plus chaud, peut descendre vers le sud, apportant un froid mordant avec lui.

L'agriculture sera affectée par ces fluctuations extrêmes de température. Les vortex polaires (vague de froid extrême qui descendent des pôles), les vagues de chaleur accrues et l'imprévisibilité du temps causent déjà des dommages significatifs aux cultures. Les scientifiques alertent sur la fonte du permafrost (le sol qui est gelé en permanence) qui héberge des bactéries et virus vieux de plusieurs millénaires. La glace de l'Arctique et le permafrost stockent de grandes quantités de méthane, un gaz à effet de serre (25 fois plus puissant que le CO2), qui contribue au changement climatique. Lorsqu'il dégèle, ce méthane est libéré, accélérant le réchauffement.

Enfin, une humidité accrue rend les événements météorologiques déjà dangereux encore plus menaçants pour les villes côtières et les petites nations insulaires. Jusqu'à ce que le Groenland soit touché à son tour. « Cela peut aussi accélérer le réchauffement mondial, en faisant fondre le permafrost, ainsi que la montée du niveau des océans en faisant fondre la calotte glaciaire du Groenland », prévient Seung-Ki Min, co-auteur de l'étude du 6 juin. Une fonte complète des glaces du pays nordique provoquerait une montée de la mer de 7 mètres, avec toutes les conséquences catastrophiques qui l'accompagnent.

Tous capables ?

Le capitalocène, qui provoque la fonte des glaces de l'Arctique, n'est pas seulement un problème pour les ours polaires et les peuples autochtones. « Nous nous précipitons vers la catastrophe, les yeux grands ouverts », a fustigé, ce 15 juin, António Guterres, secrétaire général des Nations unies, lors d’une conférence de presse au Siège de l'ONU. « Les pays sont loin de tenir leurs promesses et leurs engagements climatiques. Je vois un manque d'ambition. Un manque de confiance. Un manque de soutien. Un manque de coopération. Et, une foison de problèmes de clarté et de crédibilité », ajoutait le secrétaire général.

Même si nous ne sommes pas tous coupables, les politiques ne changeront pas sans une opinion publique exprimée clairement et vigoureusement. Ce dont nous sommes tous capables.