Face au dérèglement climatique, le monde hésite

Alors que les études scientifiques sonnent l'alarme sur les conséquences irréversibles du réchauffement climatique, l'humanité semble paralysée, hésitante à agir efficacement. Si une part des causes est individuelle et une autre collective, des intérêts privés continuent de nous influencer.

Pingouins sur la glace par pixabay
Pingouins sur la glace © pixabay

À cause du réchauffement climatique, certaines régions du globe pourraient devenir inhabitables, révèle une étude publiée le 7 novembre dans la revue scientifique PNAS. Une autre étude publiée en octobre par le British Antarctica Survey tire la sonnette d'alarme : la fonte des glaciers de l'Antarctique devient irréversible.

« Les conséquences du réchauffement, ça va beaucoup plus vite que l’élévation des températures », répète Jean-Marc Jancovici, fondateur du Shift Project, dans une interview sur la chaîne HugoDécrype (31/10). Retarder notre action face à ces changements a des conséquences exponentielles.

Pourquoi, face à des preuves scientifiques aussi alarmantes, et malgré le consensus, l'humanité paraît-elle paralysée, incapable d'actions significatives contre le changement climatique ?

Dans un documentaire diffusé sur Arte, Climat : mon cerveau fait l’autruche, Raphaël Hitier et Sylvie Deleule trouvent une part de la réponse dans notre cerveau. Ils s’attachent à décrypter nos biais cognitifs. Une multitude de distorsions inconscientes de la réalité, dont est truffé notre cerveau.

  • Le biais de confirmation, par exemple, nous incite à voir bien mieux les éléments qui confirment nos croyances au détriment de ceux qui les contredisent. 
  • Le biais de normalité nous fait croire que les choses fonctionneront nécessairement à l'avenir comme elles ont fonctionné dans le passé. 
  • Le biais de conformisme nous incite à penser et agir comme les autres.

Ces biais, et d’autres encore, peuvent nous conduire à oublier, ignorer et négliger les nombreux avertissements des scientifiques.

Mais si « La France ne respecte pas son objectif d’émissions nettes pour l’année 2021 […] » comme l’écrit dans un rapport l’Observatoire Climat-Énergie, c’est aussi à cause des décisions politiques.

En 2009, la controverse du Climategate éclate juste avant la COP15. Des emails piratés de scientifiques du climat, mal interprétés, sont utilisés pour remettre en question la validité de la recherche climatique. Bien que des enquêtes ultérieures aient disculpé les scientifiques, le mal était fait.

Certains pays (États-Unis, Chine, Inde, Arabie Saoudite, etc.) en profitent pour justifier leur inaction et leur résistance aux mesures ambitieuses contre le changement climatique. La méfiance envers la science climatique, alimentée par cette controverse, a affaibli les négociations internationales et a contribué à l'échec de la COP15. Encore aujourd’hui, le Climategate nourrit les climatosceptiques.

En 2019, suite à la Convention citoyenne sur le climat, Emmanuel Macron trahit ses promesses, suscitant des critiques sur sa volonté d’agir. Le décalage entre les riches propositions de la Convention et leur pauvre mise en œuvre démotive le citoyen. Pourtant, pour faire face au changement climatique, « 64% des Français accepteraient des changements importants dans leurs modes de vie, à condition qu’ils s’appliquent de façon juste entre tous les membres de la société. », indique l’ADEME

La mollesse de Macron est vue par le peuple comme un refus d’adopter des mesures qui perturberaient les intérêts des plus riches. C’est d’autant plus crédible que des entreprises pétrogazières ont longtemps contribué à la désinformation pour maintenir l’inaction.

Le cas d’ExxonMobil est le plus emblématique. Dès les années 1970, Exxon détenait des analyses montrant l’important impact des combustibles fossiles sur le réchauffement planétaire. Non content de dissimuler ses résultats, Exxon lance des campagnes de désinformation, pour nier le changement climatique. En instillant le doute, l’entreprise retardait la prise de mesures décisives.

Plus proche de nous, le pétrolier TotalEnergies focalise sa communication sur les énergies renouvelables, alors que les 80 à 90 % de son chiffre d'affaires viennent des énergies fossiles. Non content de faire du Greenwashing, le pétrolier français continue ses forages pétrogaziers, comme le projet Tilenga qui s’étendra de l’Ouganda à la Tanzanie.

Même si TotalEnergies fait des profits records, la pauvreté gagne du terrain. C’est une sobriété subie, qui du nord au sud, touche injustement les populations les moins responsables du changement climatique.

Personne ne nous a encore obligés à fuir nos maisons, comme les habitants d’El Bosque au Mexique, ou à signer un accord avec l’Australie, en prévision de la disparition de notre île. Pourtant, les inondations du Pas-de-Calais en témoignent, l’immobilisme n’est plus une option. Le changement nous pousse. Nous pouvons l’orienter vers la solidarité et des actions locales, ou le subir individuellement, et laisser notre cerveau nous faire croire que nous serons forcément parmi ceux qui s’en sortent.

Sur le même thème

  • Actions individuelles et initiatives collectives

    En 2024, malgré les efforts des scientifiques, de l'Europe, et des initiatives locales, la tension entre les intérêts des grandes entreprises et l'intérêt collectif persiste. L’instabilité mondiale menace tous les projets. Pourtant, l'action collective, demeure vitale pour développer la résilience des communautés face à la crise climatique.
  • Le soft power est une domination

    On peut le traduire par “puissance douce”, ou “influence indirecte. Dans un monde globalisé, le soft power influence les citoyens pour en faire des consommateurs. À travers la culture, les multinationales et les États usent des stéréotypes pour faire naître le désir d’appartenance et contrôler les populations.