La coopérative Catalane (re)fait société

Son but est de reprendre à grande échelle les moyens de production confisqués par le capitalisme. Comptant des milliers de membres, elle offre une gamme de services allant de l'alimentation à l'éducation, en passant par l'hébergement et la santé. Pour se financer, la structure joue avec la fiscalité.

©Incubateur universitaire de parole d'excluEs

En 2009, un mouvement de révolutionnaires, anticapitalistes et anarchistes, porté par Enric Duran, le “Robin des banques”, a fait naître une coopérative d’envergure et innovante. Née à Barcelone, cette Coopérative intégrale catalane (CIC) a pour projet de mettre en place toutes les infrastructures nécessaires pour faire société, sans demander ni aide ni permission à l'État. L’autonomie et l’autogestion sont les moteurs pour l’organisation de ce système économique et social qui se veut indépendant du capitalisme et de ses injustices. La coopérative porte les projets qui fonctionnent de manière autonome et sont indépendants les uns des autres. Les assemblées de la CIC se font mensuellement afin de discuter des directions. Les décisions sont prises au consensus. Des commissions thématiques travaillent et conduisent les échanges entre le terrain, les autres projets et lieux et la CIC.

Entre 3000 et 5000 personnes travaillent et bénéficient de cette nouvelle organisation. De l’alimentation à l’éducation, tous les besoins sont pourvus. Des maisons d’accueil pour l’habitat des plus précaires, des maisons de santé, des écoles libres, des agriculteurs, des boulangers, des électriciens, des banquiers, toutes les corporations y sont représentées.

Insoumission fiscale

Leur tour de force est que la coopérative intégrale catalane a réussi sur un bassin de vie à structurer en réseau et coordonner toutes les petites coopératives représentant les corps de métier nécessaires pour faire société, hors du système capitaliste.

Comment cela fonctionne ? La CIC pratique l’insoumission fiscale pour approvisionner les fonds de la coopérative. Ils mettent en place plusieurs entités juridiques qui couvrent légalement les activités des adhérents qui ne reversent rien à l'État. Cette optimisation permet aux entreprises qui couvrent ces productions de payer un minimum de taxe à l’Etat, le reste est basculé dans le fonctionnement et l’investissement. Ainsi, les bénéfices sont presque intégralement réinvestis dans les projets.

Sa réalisation a été facilitée par un braqueur des temps modernes, Enric Duran. Pendant plus d’un an et demi, il a emprunté de l’argent à des banques, qu’il rembourse grâce à de nouveaux prêts, jusqu’en septembre 2008 où il disparaît. Les 500 000 € ainsi soustraits permettent de financer de nombreux projets solidaires, dont la CIC.

Dans le Bassin de Thau, le modèle de la CIC a été dupliqué. Ils et elles réinventent le vivre ensemble avec comme socle l’entraide et la coopération pour répondre aux besoins de chacun.e. Cette Coopérative intégrale du bassin de Thau a une originalité au travers de sa commission “Économie et Finances”. Elle veut expérimenter la mise en commun des revenus financiers. Et, du même coup, la gestion mutualisée des charges de chacun.es. Le modèle économique est en cours d’élaboration, mais montre bien la pertinence de leur réflexion quant à réinventer un système en profondeur.

Mauricia, jeune barcelonaise a accepté de temoigner de son experience, 35 ans, membre active de la Coopérative catalane depuis 5 ans. Son prénom a été modifié pour preserver son anonymat

Bonjour Mauricia. Merci pour ce témoignage. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes engagée dans cette coopérative? 
De tous temps, les inégalités socio-économiques ont formé la lutte des classes. J’ai grandi dans une famille aisée et politiquement engagée. J’ai conscience de mes privilèges. Et, même si mon père râlait contre le taux d’imposition, il était fier de distribuer une partie de son gain pour la fondation du bien public, pour l’équilibre des conditions de vie. Mais, en vieillissant, je me demande constamment où passe cet argent public, car sur le terrain, l’accueil des précaires se dégrade, les services de santé aussi, le prix de l’immobilier n’est pas géré par les institutions… Certains espaces sont laissés à l’abandon par ce système capitaliste dictant sa conduite aux états.

Qu’est-ce qui vous contrarie dans ce système capitaliste ? 
On ne s’occupe que de ce qui crée de la richesse monétaire, tout en marchandisant tout ce qui peut l’être. En Espagne beaucoup de famille sont devenues pauvres car tous les prix augmentent, sauf les salaires. Heureusement nous avons une culture sociale qui est empreinte de solidarité et de partage familial. Cette solidarité je l’ai retrouvée à plus grande échelle dans la Coopérative intégrale.

Quel est votre rôle dans la CIC ? 
Je travaille dans la coordination des petites coopératives agricoles. Mais je suis également dans la commission coordination globale. Je travaille également avec un agriculteur fruitier. Je l’aide à transformer sa récolte en confiture, gâteau, sirop…

Quelles avancées sociales avez-vous relevé depuis que vous êtes dans ce milieu, sur le plan individuel? 
La solidarité et la coopération sont devenues presque naturelles dans nos comportements du quotidien. Nous ne réfléchissons plus en individu terrifié de perdre ce qu’il a. Mais en chaînon qui n’est pas seul, qui porte des responsabilités et reçoit du soutien. Cela fait beaucoup de bien à mon humanité. D’autre part, beaucoup de gens précaires ou qui l’ont été font partie des membres actifs. Selon le niveau de précarité, les moyens de prise en charge sont différents. Et même s’il est parfois difficile pour eux et pour nous de faire chemin ensemble, de beaux exemples de réussite sont à notre actif commun.

Et pour l'habitat et la santé?
Des maisons individuelles ont été rénovées et collectivisées pour accueillir plus de familles, plus de personnes. Certains ont trouvé une place, une reconnaissance, ou les bons soins pour se guérir de certaines addictions, tout en se trouvant utiles aux autres. Notre système de soin se veut traditionnel et holistique. Nous cherchons à connecter les maladies pas seulement au corps, mais aussi à l’esprit, à l'expérience, donc au groupe qui entoure chaque malade. Et c'est revitalisant d'être dans ce genre d'environnement.

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