Saillans, un cas d’école de démocratie

La commune de Saillans, située dans la Drôme, a fait couler beaucoup d’encre de par l’élection en 2014 d’un conseil municipal qui a défié la chronique en chamboulant les habitudes, surtout les mauvaises, pour la bonne cause. Presque dix ans déjà… Pour comprendre avec du recul ce qui s’est passé et aussi avoir son avis sur la reproductibilité de l’expérience dans un contexte où la pression écologique va forcément engager le niveau municipal, le mieux placé pour agir sur le quotidien des gens en termes de changement des modes de vie.

Convaincu que la prise de la commune de Saillans pour en bouleverser profondément la gouvernance ne pouvait venir que d’une équipe engagée et prête à prendre le pouvoir avec un projet bien ficelé… Et bien non, tout faux !

Le point zéro est le bruit d’un projet de supermarché que le maire précédent mijotait en catimini. Dans une commune de 1300 habitants encore bien vivante, c’était le début de la fin. Une pétition recueille 800 soutiens qui font reculer le maire… Mais la confiance n’y est pas et pour être sûr d’enterrer définitivement cette mauvaise idée, l’idée germe d’une liste d’opposition aux municipales suivantes.

Saillans, la démocratie au fil de l'eau
Saillans, la démocratie au fil de l'eau

Pour aller vite, quinze personnes qui ne se connaissaient pas plus que cela et n'avaient aucune intention de s’engager dans la vie publique avant que le supermarché ne les mobilise, se retrouvent autour de la grande table du conseil municipal sans projet mais animés d’une très forte volonté. La campagne électorale a quand même été marquée par un tract témoignant qu’ils avaient déjà bien réfléchi à une gouvernance réellement démocratique.

Les ingrédients de la révolution sont là, dans leur tête. 1) ils ont découvert les méfaits que l’opacité pouvait produire et ils sont radicalement converti à l’exigence de transparence. 2) Ils n’ont rien prévu à priori et cela est cohérent avec une volonté de se tourner vers leurs « administrés » sans les considérer comme tels, pour savoir ce dont ils ont besoin et ce qu’ils attendent de leurs élus. « Comment rêvez-vous Saillans ? » : le coup d’envoi est donné lors d’une première réunion publique.

Débutent alors 6 années de mandature d’une richesse citoyenne et démocratique exceptionnelle en intensité, pratiquée avec modestie par une équipe enthousiaste qui découvre et apprend en allant. Qui fait appel sans complexe aux compétences extérieures quand elles manquent, experts mais aussi simple quidam, qui réunit les bonnes volontés, fait remonter les idées, questionne les concernés, négocie, recherche le consensus.

Ce qu’il faut retenir du déroulé des 6 années ? A défaut de pouvoir la briser, ils ont relativisé la hiérarchie classique, maire, adjoints, simples conseillers. Les casquettes étaient symboliques et les indemnités partagées selon le temps passé aux affaires. Pas de grandes réunions publiques où les prises de paroles sont monopolisées. Pour la transparence, un comité de pilotage hebdomadaire ouvert à la population pour informer de l’avancement des projets et recueillir les doléances éventuelles. Autrement, les principes de l’éducation populaire ont été mis à contribution. Pour mûrir décisions et projets, c’est au sein de petits groupes accompagnés au moins d’un élu, soit une huitaine de personnes, où chacun participe facilement.

La seconde partie du mandat a nécessité d’engager un exercice réputé délicat, la modification du Plan local d’urbanisme (PLU). Mais précise Vincent Beillard, « On a profité de faire cette révision pour, d’une part, construire une vision transversale du village, tout est abordé dans un PLU, et d’autre part, pour aller chercher encore des nouvelles participations citoyennes. » Là encore, beaucoup a été fait pour que le résultat final émane principalement de la population, notamment par la création d’un Groupe de pilotage citoyen constitué d’un quart d’élus et de ¾ de citoyens, citoyennes tirées au sort. Un très gros travail a été mené pour associer les gens : un sur trois a participé, ce qui est exceptionnel. « Et le résultat est là concernant les terrains constructibles : on est passé de 35 à 6,5 hectares…»  confirme Vincent. C’est de là qu’est partie la contre- offensive qui a finalement mené de très peu au non-renouvellement du mandat en 2020.

Mais Vincent Beillard n’en semble pas affecté. Il garde le souvenir « d’une équipe soudée jusqu’à la fin, conviviale, heureuse de travailler ensemble… une super expérience, on s’est enrichi, c’est énorme ! »

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