« L'ANIMAL ET LA MORT », UN POINT DE RUPTURE POUR LA CONSOMMATION

Avec « L’animal et la mort : chasses, modernité et crise du sauvage », l’anthropologue Charles Stépanoff dresse un portrait de notre société, oscillant entre béate contemplation et destruction du monde animal. Lisez, de toute urgence, cet essai primé par France Culture & Arte.

A sa lecture, d’insoutenables paradoxes nous viennent. Oui, nous sommes gagas de nos chats et de nos chiens, prêts à payer des fortunes chez un vétérinaire au premier bobo. En parallèle et presque sans sourciller, nous mangeons de la viande – magret (canard), steak (bœuf), jambon (porc) - en des quantités jamais atteintes dans l’histoire de l’humanité. Soit 3,2 millions d’animaux abattus par jour, quatre fois plus qu’en 1800.

Lecteurs et lectrices sensibles, s’abstenir ! Plus qu’aucun essai, « L’animal et la mort : chasses, modernité et crise du sauvage » (éditions La découverte, 2021) met le doigt sur ce point de rupture entre :

  • l’animal-matière qui nous nourrit, exploité pour notre confort, et que nous ignorons car tué loin des villes, loin du cœur.

  • l’animal-compagnon, que nous infantilisons, à jamais castré, et protégeons.

  • l’animal-gibier, chassé et doté d’une altérité aujourd’hui incomprise.

Plusieurs jurys littéraires ne s’y sont pas trompés ! Cet essai appuie là où ça fait mal, là où ne voulons pas regarder. Voilà pourquoi il a remporté le prix de l’essai de France Culture – Arte 2021, ainsi que celui de la fondation François Sommer en 2022.

Parmi les questions abordées : quelle place pour la chasse aujourd’hui ? Entre ceux qui l’adorent et ceux qui la détestent, que révèle-t-elle du rapport de l'humain à la nature ?

Son auteur, Charles Stépanoff, anthropologue et directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), est parti chercher ces réponses en France, quittant son terrain d’études habituel : le chamanisme en Sibérie.

Sans détour et avec la méthode d’un scientifique, il a rencontré agriculteurs, bergers, militants animalistes et chasseurs dans l’Hexagone. A l’appui d’une littérature foisonnante, il y expose une photographie riche et variée, aussi objective que possible, de ces rapports si différents à l’animalité.

animal et mort

 

Entre villes et campagnes, des contradictions frontale

Aujourd’hui, 80% des Français vivent dans les villes. Dans ces espaces aseptisés, les abattoirs ont disparu depuis longtemps, ainsi que la plupart des animaux. Bref, la campagne et la nature demeurent lointaines, pour la plupart d’entre nous. Tout au plus, c'est un paysage durant les vacances que certains croient immuable, éternel et figé : un lieu de contemplation.

Une vie rurale y existe pourtant. Lors de son enquête, l’auteur décrypte ce rapport proche du vivant et des traditions, similaire au chamanisme sibérien qu’il a pu étudier.

En toile de fonds, Charles Stépanoff explique aussi avec brio l’érosion de la biodiversité. En voici deux exemples. Depuis les années 90, les insectes volants en Europe ont disparu entre 75 et 80%. Vous l’avez remarqué sur vos pare-brise, désormais propres en roulant… Dans l’Eure-et-Loir, les naturalistes dénombraient 33,8 couples de perdrix par 100 hectares en 1990, contre 1,8 couple en 2017.

Une agriculture industrielle, une chasse bouc émissaire

En cause ? Le changement d’agriculture. Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, le monde paysans s'industrialise : des produits phytosanitaires aux grandes moissonneuses… Les parcelles sont regroupées. La production croit et, avec elle, la destruction de la faune.

Bien plus, la France a perdu 70% de ses haies et 90% de ses mares au cours du XXème siècle. Or ces haies, autrefois créées par les paysans, abritaient en moyenne 2070 espèces sur 90 mètres (insectes, escargots, araignées, champignons, lichens, vertébrés).

Dans ce contexte environnemental dramatique, le chasseur ose encore manger ce qu’il tue, se plaçant ainsi en décalage avec le reste de la société. Il devient bouc émissaire : 81% des Français se disent défavorables à cette pratique, selon une étude Ipsos de 2017. Pour la décrier, encore faut-il la connaître. Cet essai décrypte avec brio le monde animal et rural.

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