La technologie ne sauvera pas la planète

Entre l'illusion de la croissance verte et la réalité du déclin de la biodiversité, une révolution dans notre façon de vivre et de consommer est impérative pour sauver notre planète. De moins en moins de scientifiques croient au miracle de la science en matière de changement climatique et d’écologie.

Centrale nucléaire via pxhere
Centrale nucléaire © pxhere

Le 6 mars dernier, Fox Weather s’enthousiasme d’une étude scientifique qui envisage de réduire la quantité d’eau dans la stratosphère pour diminuer le réchauffement climatique. L’idée des scientifiques est de réduire l’effet de serre dont la vapeur d’eau est responsable à 50 %, grâce à des projections de poussières. Les scientifiques y vont avec des pincettes. Ils décrivent cette idée comme une pierre de l’édifice global. Ils chiffrent les effets potentiels sur une zone très humide du pacifique à un petit 1,4 % du réchauffement climatique causé par l’homme depuis 1750. Pourtant, la filiale de Fox News ne peut s’émécher de relayer cette information, très loin d’être mise en pratique.

Cette vision techno solutionniste ne s’applique pas qu’aux américains conservateurs. Elle est probablement majoritaire parmi les élites. L’essayiste transhumaniste, Laurent Alexandre, s’écrie « la science est aujourd’hui notre seule chance de salut » (Jouissez jeunesse !, Lattes, 2020). Un avis que ne partagent que 13 % des Français d’après un sondage de l’ADEME. Comme eux, de nombreux scientifiques voient la technologie comme un mirage. « […] la croissance verte s’apparente à une pensée magique, qui donne l’illusion de pouvoir continuer à produire et consommer plus grâce au progrès technique », écrit Alain Grandjean, économiste et co-fondateur de Carbone 4 dans La Revue Polytechnique.

Les technologies vertes d’aujourd’hui, bien qu'utiles, ont des limites, des coûts écologiques et sociaux cachés et la rareté des matériaux nécessaires à leur développement n’est pas toujours prise en compte. « […] il n’y a absolument aucune raison d’espérer que la finance ou le marché, dont le seul objectif est la recherche maximisée des profits, sauvent la planète », ajoute le polytechnicien. La science nous sauvera d’autant moins que la préservation de la biodiversité n’est pas du tout une priorité des gouvernements. Selon WWF, 69% des populations d’animaux sauvages sont en déclin. Et même, quand quelque chose est entrepris, l’accent est mis presque exclusivement sur l’énergie renouvelable.

En 2008, Shein, entreprise chinoise, invente la « fast fashion ». Elle inonde le monde de vêtement à bas coûts, fabriqués dans des conditions inhumaines, et climaticides, pensés pour une clientèle pauvre. Aux États-Unis, le transport de voyageurs est dominé par la voiture et l’avion, deux industries privés. Dans les campagnes françaises, des entreprises, avides de subventions, incitent les paysans à bétonner des zones vertes pour installer des panneaux solaires. Partout dans le monde, des systèmes financiers autorisent l’exploitation des forêts sous condition de compensations. Une solution pas du tout équilibrée selon l'Union internationale pour la conservation de la nature.

Pendant ce temps, le capitalisme continue d’engloutir. Les consommations d’énergies se superposent, et le remplacement n’est pas du tout au rendez-vous. Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, interviewé sur Radio France, est inquiet : « Malgré la diffusion très rapide des renouvelables qui sont très compétitifs par l'électricité, les émissions de CO2 ont encore cru cette année. […] on pense, à tort, que la diffusion des renouvelables va faire tout le travail. »

Face à l'échec manifeste des stratégies actuelles, il devient évident que seule une transformation profonde de notre système économique et de nos modes de vie peut offrir une solution durable. Même si nous faisions du 100 % renouvelable, affirme l’historien, « Le vrai problème, c'est plutôt “qu’est-ce qu’on fait avec toute cette électricité propre ?”. Si c’est pour faire rouler des voitures de deux tonnes sur des routes en béton, dans des zones périurbaines avec des maisons de plus en plus grandes qu’on remplit d’objets, c’est sûr qu’on n'a pas résolu le problème du tout. »

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